Ces pauvres banques

Après avoir durement ferraillé ces deux dernières années avec les autorités régulatrices, les grandes banques européennes entendent désormais poursuivre leur combat auprès des autorités politiques – ayant quelques raisons de croire qu’elles seront mieux entendues – afin de faire obstacle à l’application telles quelles des nouvelles obligations de renforcement de leurs fonds propres. Elles sont prévues pour intervenir pleinement en 2027, soit vingt ans après le démarrage de la crise financière !

Il se confirme que les nouvelles modalités de calcul du risque (VaR, pour Value at Risk) et leur traduction en charges de capital ne passent pas. Et que la forte suspicion, pour ne pas dire plus, qui portait sur la crédibilité des calculs faits par les banques est rétrospectivement fondée, à voir l’acharnement dont elles font preuve sur le sujet.

L’Autorité bancaire européenne (ABE), dont le siège est désormais Paris, a lancé un pavé dans la mare en estimant ces charges à 135 milliards d’euros. Soit une hausse moyenne de 24% des fonds propres des banques européennes. L’essentiel de l’effort, a-t-il été précisé, reposera sur les plus grandes banques européennes. Elles récoltent le fruit de leur compétition avec les banques américaines et de leur course au gigantisme, peut-on ajouter.

N’étant pas parvenues à obtenir ce qu’elles voulaient lors des négociations « techniques », les banques ont tenté d’obtenir un moratoire qui leur a été refusé au nom des décisions à portée internationale du G20. Il leur reste fort heureusement comme recours de porter le débat au niveau politique. Les fédérations bancaires allemande, finlandaise et française ont donc rencontré à Berlin Olaf Scholz, le ministre allemand des Finances, considérant qu’il est le plus à même de défendre leur point de vue. Elles lui ont proposé de lancer « une grande discussion politique », afin que la mise en place des nouvelles mesures « n’endommagent pas l’économie européenne » et ne créent pas un avantage compétitif pour les banques américaines (qui évacuent davantage leurs prêts de leurs bilans en les titrisant). Édouard Philippe, le Premier ministre français, était déjà convaincu début juillet de la nécessité de se saisir du dossier, déclarant alors que la transposition de l’accord « est un sujet qui est fondamentalement politique ».

Les banques cherchent à limiter les besoins de financement de l’aboutissement de Bâle III, craignant de devoir augmenter leurs fonds propres pour y répondre. Ainsi qu’à rogner sur les dividendes de leurs actionnaires, deux obligations par ailleurs contradictoires. Leur bienfaiteur attitré, le gouverneur de la Banque de France François Villeroy de Galhau, propose une formule susceptible de les combler : « notre objectif et notre analyse sont limpides. Bâle III est pour chaque banque française compatible avec la mise en réserve normale des résultats dans les années à venir, après distribution ; elle ne nécessitera pour aucune banque d’augmentation de capital dédiée ». Il suffira, si l’on comprend bien, de trouver la formule de calcul du risque de marché des actifs bancaires qui aboutira à ce résultat. De toute façon, n’est-il pas illusoire de prétendre calculer le risque de défaut d’actifs ultra sophistiqués dont on peut penser que les bilans des grandes banques regorgent étant donné leur taille ?

Du côté de l’ABE, la prudence est de mise. Ses experts doivent encore produire une analyse complémentaire portant sur certains points techniques de l’accord, et livrer à la nouvelle Commission européenne, d’ici la fin de l’année, une analyse de l’impact macroéconomique de Bâle III. Il y a donc encore du grain à moudre afin que les autorités politiques puissent répondre à la légitime inquiétude des établissements bancaires…

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